mardi 27 octobre 2009

L'Acceptation, la solution?

En réponse à un commentaire d'Amicitia:
J'ai été touché par ce commentaire qui pose la question du lâcher prise et de la difficulté de saisir, même au travers de la pleine conscience, ce que sont l'acceptation et le lâcher prise.
La question du lâcher prise et de l'acceptation est des plus difficiles.
C'est simple mais ça n'est pas facile.
Ce n'est pas facile parce que notre intelligence s'en mêle et va chercher à utiliser le lâcher prise comme moyen de faire lâcher prise à notre souffrance. Et l'on repart alors pour un nouveau tour de manège, à chercher à contrôler notre expérience intérieure - avec les résultats prévisibles que notre expérience connait déjà.
En Thérapie d'Acceptation et d'Engagement nous invitons souvent nos patients à observer ce que leur intelligence fait de l'idée de l'acceptation. Et nous disons volontiers que si l'acceptation apparait clairement comme la solution à leur souffrance, alors ça n'est pas ça qu'est l'acceptation.
L'acceptation ne peut se comprendre comme on comprendrait une idée - elle ne peut que se 'saisir' comme on saisit comment on fait pour pédaler ou comment nager.
Accepter, lâcher-prise, c'est une action, non une pensée ou un sentiment.
Comme nager et pédaler, ça n'est pas quelque chose auquel on peut se 'convertir' un jour d'illumination, c'est un apprentissage qui passe par un entrainement progressif et délibéré.
Ce n'est ni en en parlant ni en lisant mais seulement dans l'action de faire de la place à tout ce que nous ressentons - afin de pouvoir avancer - que nous pouvons saisir si cette approche peut marcher pour nous.

Et c'est à la seule lumière de notre expérience, et non de notre intelligence, que nous pouvons en juger.

Benjamin Schoendorff
(image Rémi Schoendorff)

dimanche 18 octobre 2009

Rater le métro en pleine conscience

La pleine conscience, ça ne veut pas nécessairement dire pratiquer la méditation formelle, assis sur un coussin. Elle peut tout aussi bien se cultiver à chaque instant, dans les situations les plus quotidiennes. Jonathan Kaplan, Ph.D. a fondé le site Urban Mindfulness dans le but de présenter des exercices de pleine conscience adaptés à la vie citadine.
J’ai souvent raté le bus ou le métro, alors l’exercice qui suit m’a particulièrement parlé.

Votre métro arrive. Vous l’entendez depuis l'escalator. Vous vous mettez à courir. C'est la course dans le couloir, et dans les escaliers. Vous arrivez enfin sur le quai et le métro y est encore ! Mais voilà que l’alarme retentit, et que les portes se ferment au moment même où vous arrivez à leur hauteur! La rame s'ébranle lentement et vous, vous restez, essoufflé(e) sur le bord du quai. Et à présent que faites-vous ?
Vous voulez crier, maudire ou même cogner la rame qui démarre (ça vous fera du bien !). Et si au lieu de vous laissez emporter, vous en profitiez pour faire un petit exercice de pleine conscience ?
  1. Votre cœur bat plus vite d’avoir couru. Marchez quelques pas le long du quai en observant votre respiration. Gardez la tête droite et regardez droit devant vous.
  2. Ralentissez graduellement le rythme de vos pas et portez votre attention sur les sensations de contact de vos pieds avec le quai.
  3. Tout en ralentissant, et sans incliner la tête, laissez votre regard se poser sur le sol.
  4. Une fois arrêté, pivotez jusqu’à faire face au quai (tout en préservant votre distance de sécurité!).
  5. Très lentement faites passer votre poids d’une jambe sur l’autre et observez le changement des sensations dans chaque jambe.
  6. Ralentissez progressivement le mouvement jusqu’à vous retrouver posé debout sur vos deux jambes et observez les sensations de contact avec le sol.
  7. Observez votre respiration et les sensations de mouvement dans votre poitrine et/ou votre ventre.
  8. Apercevez-vous poindre une envie de vous pencher pour voir si le prochain métro arrive ? Observez ce que cette envie vous fait, sans vous pencher. Si vous apercevez que votre attention dérive, c’est tout à fait normal. Notez ce vers quoi elle a été aspirée et ramenez la avec douceur à votre respiration.
  9. Quand vous entendez la rame suivante approcher, observez la texture des sons qu’elle produit, sentez le mouvement de l’air qui balaye le quai. Ne tournez pas la tête, mais ramenez votre attention à votre respiration.
  10. Quand les portes s’ouvrent, entrez dans le métro et continuez votre voyage.
Adapté de Jonathan Kaplan par Benjamin Schoendorff (image Belzebuth Deviant Art)

lundi 12 octobre 2009

Ralentir pour aller plus vite

Qui prend son temps n’en manque jamais.
Cette citation de Mikhaïl Boulgakov est importante pour les thérapeutes soucieux d'offrir les thérapies les plus brèves possibles.
En ralentissant, en prenant le temps d'observer dans les plus infimes détail tous les aspects de l'expérience et du vécu - non pas de manière générale, mais en se concentrant sur tout ce qui se présente autour des situations difficiles - on entraine déjà une autre façon de vivre avec la souffrance.
En apportant un esprit d'ouverture et de curiosité à cette exploration, on se prémunit contre les ruminations délétères et on fait l'apprentissage d'une autre façon plus douce moins précipitée d'interagir avec la souffrance, celle de nos clients tout autant que celle que nous ressentons à les voir lutter sans résultats.
C'est donc en ralentissant que l'on se donne la chance d'avancer le plus vite.
Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

dimanche 11 octobre 2009

Saisir à travers l'expérience plutôt que comprendre par l'intelligence

Au cours de la formation à la Thérapie d'Acceptation et d'Engagement (ACT) que mon amie Jana Grand et moi-même avons animé pendant ces trois derniers jours, j'ai pu observer, une fois une idée, un principe ou une technique exposée, que mon esprit se laissait souvent accrocher par le besoin d'expliquer et de débattre.
Mon intelligence me pressait d'acheter cette pensée qu'elle me vendait qu'il fallait absolument expliquer, expliquer, expliquer jusqu'à ce que les questions des participants soient épuisées.
Cependant, ce que mon expérience me montrait, c'était que chaque fois que j'achetais cette pensée et me lançais dans des explications, ou pire encore dans des débats, loin d'éclairer mon interlocuteur ou les autres participants, je m'enfonçais et me repliais.
C'est seulement en saisissant ce processus au vol que j'ai pu faire un peu de place à mon envie d'expliquer et de convaincre, sans pour autant m'en faire l'instrument - et choisir de faire saisir, par l'expérience, souvent au moyen d'un petit jeu de rôle ou au moyen d'un exercice, ce vers quoi mes mots visaient à attirer l'attention des participants à l'atelier. Et plus d'une fois, comme magiquement, le ou la participante disait alors : "Ah ça y est, je saisis de quoi il s'agit!"
Notre intelligence est souvent impuissante à saisir de nombreux processus de l'ACT. Devant son impuissance, elle va se rebeller et vouloir argumenter, débattre, voire même rejeter ce qu'elle ne peut saisir. Souvent pourtant, et d'une manière dont les mots ne peuvent rendre la profondeur, notre expérience peut aisément saisir la 'vérité' des processus de l'ACT. Cette 'vérité' ne prétend pas révéler la 'vraie' nature des chose ou du monde, mais tout simplement nous permettre de reconnaitre, à la lumière de notre expérience, une approche susceptible de mieux fonctionner pour avancer. C'est une 'vérité' pragmatique, fondée dans l'expérience.
Ne pas rester coincé sur des débats d'idées et au niveau intellectuel nous a permis d'avancer dans notre atelier, c'est l'incarnation de la 'vérité' de l'ACT.
Dans un note manuscrite sur une des fiches de feedback des participants, j'ai eu la joie de lire : J'avais lu le livre et pour confirmer l'idée que l'expérience est le meilleur moyen d'intégrer les choses, j'ai (évidemment) plus appris en expérimentant l'ACT au cours de la formation qu'en lisant le livre.
Ce n'est pas en lisant un livre que l'on peut saisir l'ACT - pas plus que ce n'est au travers d'explication magistrales ou de brillantes démonstrations intellectuelles - c'est n'est qu'en en faisant l'expérience directe en explorant dans sa propre vie les exercices que propose ce livre.
Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)