mercredi 24 mars 2010

La culpabilité ou compassion?

Lytta Basset écrit dans Culpabilité, paralysie du cœur que "nous lisons souvent les évènements comme autant de preuves de notre nullité, indignité, culpabilité."
En effet, lorsque quelque chose de grave ou de terrible nous arrive, nous avons tous tendance à avoir des pensées du style : "Mais qu'ai-je donc fait pour mériter ça?"; "J'ai dû mal me comporter pour que ceci m'arrive"; "Pourquoi moi? pourquoi maintenant?"; "J'ai dû être quelqu'un de terrible dans une vie antérieure"; "J'expie un mauvais karma"...
C'est la nature même de notre pensée que de chercher à trouver une explication plus ou moins convaincante à tout ce mal qui arrive. Notre cerveau fait son travail et veut absolument comprendre. Il cherche à retrouver un certain pouvoir face au malheur subi. Il aimerait pouvoir tirer une leçon et dire "j'ai compris, j'en tire les leçons et cela ne se reproduira plus". Il nous pousse alors à nous centrer sur nous-mêmes et à viser l'amélioration permanente de nos comportements. Comme s'il était toujours à l'affût, cherchant l'erreur qui pourrait éventuellement avoir des conséquences graves. Il cherche à tout prévoir, à tout contrôler et espère ainsi éviter le pire.
Philippe Vuille, sur le site de l'ACBS parle de notre intelligence comme "d'une formidable machine à pourrir l'ici et maintenant". Il écrit "Si heureux mon présent soit-il, mon intelligence va me dresser la liste des pertes auxquelles je peux m'attendre et des catastrophes que je puis encourir".
Notre cerveau semble toujours en alerte, en observateur de nous-mêmes et vise donc constamment une perfection censée nous protéger du sentiment de culpabilité. Comme si une petite voix à l'intérieur de nous-mêmes disait : "Es-tu certain d'avoir bien fait? N'as-tu commis aucune erreur? T'es-tu bien comporté? Aurais-tu pu éviter certains problèmes? Tu dois faire mieux, ce n'est pas suffisant"
Or plus notre pensée s'accroche à ce qui est douloureux, plus elle maintient l'émotion pénible présente et actuelle et moins notre réflexion fonctionne. Ruminer notre malheur l'entretient et nous prive de la réflexion qui nous aiderait à trouver, parfois, des solutions. Christophe André écrit dans Les états d'âme : "ruminer , ce n'est pas réfléchir..."
De cette manière on peut voir le perfectionnisme comme une tentative désespérée de lutte contre le sentiment de culpabilité. "Si je fais tout parfaitement, je ne me sentirais plus coupable de rien, je ne douterai plus de ma valeur". Perfectionnisme et culpabilité peuvent être ainsi comprises comme les deux faces d'une même médaille. D'un côté l'auto-accusation sans fin (culpabilité) et de l'autre l'autosuffisance stérile (perfectionnisme).
Or l'erreur n'est-elle pas, avant tout et par essence même, humaine?!
Serait-ce une forme de sagesse que d'accepter de se tromper? Accepter de ne pas tout maîtriser, tout comprendre, tout contrôler? Accepter d'être... humain et donc imparfait, en devenir, incomplet? Accepter de quitter cette position de toute-puissance mortifère qu'est le perfectionnisme/culpabilité? Accepter pour autrui comme pour soi d'adopter une position d'ouverture bienveillante, douce et sans jugement?
Beaucoup d'entre nous adoptent assez facilement cette position d'ouverture bienveillante compassionnelle vis-à-vis d'autrui. Or, il s'agit d'avoir également cette attitude envers soi! Christophe André écrit, toujours dans Les états d'âme : "il est normal de prendre soin de soi ; d'avoir le sentiment que ce qui nous arrive et ce que nous ressentons est une expérience humaine universelle (inutile de se blâmer, inutile de se punir) ; de se montrer capable d'acceptation envers nos échecs ou difficultés (ne pas se juger trop vite, ne pas se sur identifier à ses problèmes ou ses oscillations d'états d'âme)....l'auto-compassion entraîne en général un plus grand sentiment de responsabilité personnelle mais sans pour autant faire sombrer dans la culpabilité."
Personnellement, je vois dans la compassion et l'auto-compassion une solution extrêmement efficace pour sortir du piège du perfectionnisme/culpabilité.

Frédérique Giacomoni (image Rémi Schoendorff)

lundi 15 mars 2010

Vers une prière de la sérénité plus sereine?

Mon ami Hank Robb, thérapeute en Thérapie d'Acceptation et d'Engagement américain a récemment partagé ces réflexions intéressantes sur la liste de discussion anglophone de l'ACT.

La prière de la sérénité dit :

Mon Dieu
Donnez-moi la sérénité
D’accepter
Les choses que je ne puis changer
Le courage
De changer les choses que je peux,
Et la sagesse
D’en connaître la différence.

Le ‘problème’, tel que je le vois, est que la Prière de la sérénité semble suggérer qu’il n’est bon d’accepter que ce que l’on ne peut pas changer.
Pourtant, même ce que l'on peut changer, il est souvent plus fonctionnel de l’accepter.
Le processus de changement deviendra beaucoup plus efficace si l’on donne d’abord permission à ce ‘qui est, était ou pourrait être’ d’être, d’avoir été ou de pouvoir être - plutôt que de l’aborder en disant : Et que fais-tu ici ? Je ne vois pas pourquoi je devrais même passer ne serait-ce qu’un seul instant en ta compagnie. Sors d’ici !
Voici pourquoi, plutôt que la Prière de la sérénité, je propose à mes clients la Formule de la sérénité en action :

Laissez-moi
Accepter (consentir à)
La vie telle que je la trouve (telle qu'elle est, était ou pourrait devenir) même si je peux ne pas être d’accord avec ce que je trouve

Avoir la sagesse
De voir ce qu’il serait bon de changer,

Le courage
D’agir sur la durée pour ce changement,

Et la gratitude
D’avoir une chance de vivre ma vie du mieux que je le peux.


Hank Robb
(traduction et adaptation Benjamin Schoendorff, image Rémi Schoendorff)