
Nous commençons l'année nouvelle en accueillant sur ce blog mon amie psychiatre et thérapeute comportementale et cognitive (TCC) Frédérique Giacomoni. Elle contribue un texte intéressant sur les liens entre pleine conscience, acceptation, accueil de la souffrance et l'intérêt pour les thérapeutes TCC d'engager une démarche thérapeutique pour eux-mêmes.
Se démarquant de l'analyse freudienne, la TCC ne prescrit pas de thérapie personnelle des thérapeutes. Frédérique pense qu'une telle démarche peut nous rendre, nous thérapeutes, plus humains, plus empathiques, plus connectés et plus efficaces.
BenjaminEdel Maex a écrit dans
Mindfulness : apprivoiser le stress par la pleine conscience que le seul chemin vers l'assurance et la confiance en soi est d'être présent avec une attention bienveillante et ouverte, sans rien chercher : cela familiarise à ce qui se passe en soi-même. Et d'autre part que l'on ne trouve la confiance en l'autre et en soi que dans la mesure où l'on a été contacté avec confiance et apprivoisé.
Je pense en effet que la confiance en soi ne peut se trouver que lorsque l'on adopte une véritable attitude de bienveillance et de douceur, sans aucun jugement vis-à-vis de ce qui se passe en nous. Il ne s'agit certainement pas d'une attitude naturelle mais de quelque chose qui s'acquiert avec la maturité émotionnelle. Certains êtres sont sans doute plus doués que d'autres pour y parvenir.
Je crois que le travail du psychothérapeute, quelque soit la technique qu'il ait choisi pour exercer son art, requiert une parfaite connaissance de ces mécanismes de la confiance en soi. Il se doit d'être un modèle pour son patient. ll se doit d'adopter envers lui-même et envers son patient une attitude ouverte, bienveillante, douce et sans jugement. Il se doit d'avoir une attention ouverte. C'est-à-dire qu'il ne doit pas se perdre dans ses propres réactions, ses interprétations et ses conclusions automatiques.
Quelque soit le niveau de connaissances théoriques du thérapeute, quelque soit son niveau de formation, quelque soit son expérience clinique je crois qu'il ne peut obtenir ce niveau d'ouverture à l'autre, d'attention bienveillante sans aucun jugement que s'il a lui-même expérimenté d'être accueilli par un autre.
Le thérapeute, même lorsqu'il pratique des TCC, se doit, à mon avis, d'avoir expérimenté l'accueil, la douceur et la bienveillance d'un autre pour apprendre lui aussi à ne plus se juger avec dureté, à se détacher de ses propres automatismes de pensée, à accueillir en lui toute la grande diversité des émotions qui se déroulent dans chaque séance de thérapie afin de pouvoir choisir librement ce qu'il va en faire avec chaque patient.
D'autre part, chaque thérapeute doit avoir conscience que s'occuper des autres en permanence conduit vite à l'oubli de soi, à la négligence de soi et donc au renforcement inexorable de ce qui pose problème en soi. La reconnaissance de la souffrance étant le point de départ de toute relation thérapeutique, il est indispensable que chaque thérapeute prenne en charge sa propre souffrance au risque de la déverser sur autrui ou de la renforcer chez lui ou chez son patient.
Enfin, je crois que pour arriver sincèrement à éprouver de la compassion pour soi, qui est comme le souligne Edel Maex le seul véritable antidote à la violence absurde, il faut qu'un autre en ait éprouvé pour soi. Le thérapeute devenu patient peut alors ressentir tous les bienfaits de cette attitude et les transmettre à son tour à ses patients, non pas d'une manière intellectuelle, froide et distante mais d'une manière émotionnelle, immédiate et spontanée.
En conclusion, je crois que tout l'intérêt de cette troisième vague des TCC est de mettre l'accent sur les émotions et la nécessité pour le thérapeute d'être au clair avec ses propres mécanismes émotionnels. Comme l'écrit Stéphanie Hahusseau, dans
Tristesse, peur, colère, quand on est psy, aller voir un psy soi-même est conseillé!
Le maitre Zen Dogen dit :
Le Zen, c'est apprendre à vous connaitre,
Apprendre à vous connaitre, c'est vous oublier,
Vous oublier, c'est vous relier à toutes choses.
Je dirais finalement :
La thérapie du thérapeute, c'est apprendre à se connaitre,
Apprendre à se connaitre, c'est être débarrassé du souci de soi,
Être débarrassé du souci de soi, c'est être relié à toutes choses et donc devenir thérapeute!
Frédérique Giacomoni (image
Rémi Schoendorff)