jeudi 9 avril 2009

Etats d'âme et souffrance

Dans la perspective de la préparation du XIVéme congrès de l'Afforthecc, j'ai réalisé une série d'interviews des intervenants. L'échange qui suit avec Christophe André entre en résonnance particulière avec ce blog.

Dans votre dernier livre, Les Etats d’Ame, vous adoptez un ton très personnel et touchant et prônez l’introspection de nos états d’âme subtils. Qu’est-ce qui, personnellement, vous a amené à vous intéresser aux états d’âmes?
Cette idée d’aborder notre vie intérieure par le biais des états d'âme me trottait dans la tête depuis un moment. Nos contenus mentaux sont le plus souvent un mélange de pensées vagabondes et d’états émotionnels discrets, indissociables l’un de l’autre. Il me manquait un mot pour en parler avec mes patients, et un concept pour les concevoir comme un tout homogène, et non une simple addition pensée + émotion.
Les états d'âme sont d’ailleurs souvent complexes et subtils. Dans la nostalgie, par exemple, il y a une tonalité agréable (le souvenir de moments heureux) et une autre plus douloureuse (la conscience que ces bonheurs appartiennent au passé).
Autres exemples d’états d'âme : le spleen, l’agacement, la rancune, l’intranquillité… Mais aussi : la bonne humeur, la confiance, la sérénité, la satisfaction, le soulagement…
Leur rémanence (persistance d’un phénomène après la disparition de ce qui l’a causé), leur rôle dans les phénomènes de rumination, tout cela me semblait rendre utile leur usage dans les discussions avec mes patients, comme porte d’entrée vers le travail sur les cognitions ou les émotions. Quant au ton personnel, il correspond à deux constatations : d’abord, le fait qu’en devenant un 'vieil auteur' j’arrive à de plus en plus à écrire comme je pense et comme je parle à mes patients, je 'filtre' moins. Ensuite, grâce aux discussions avec mes lecteurs, j’ai compris que ceux-ci sont aidés par tout ce qui est clinique, intime, humain, venant de récits de patients ou d’états d'âme du thérapeute. Je tenais également dans ce livre à ne pas apparaître comme 'celui qui sait et qui va vous expliquer comment aller bien', mais comme une personne elle-même imparfaite et intranquille, qui utilise elle aussi ces outils, qui fait elle aussi ces efforts pour aller mieux. Pas un maître, surtout pas, mais quelqu’un qui a – parfois – quelques pas d’avance sur le lecteur, parce qu’il pratique ces efforts depuis quelque temps…
Je suis particulièrement sensible au fait que vous fassiez une telle place – toute la deuxième partie de votre livre – à la reconnaissance de la souffrance - différente de la douleur.

Oui, ce livre, comme toujours quand j’écris, a été pour moi l’occasion de mettre à plat des intuitions que j’avais, comme tout thérapeute : la douleur est le phénomène physiologique, et la souffrance son écho subjectif. Notre principale marge de manœuvre se situe autour de la souffrance : comment limiter, diminuer, ce que j’appelle la 'part évitable de la souffrance' ? Car la souffrance devient souvent, peu à peu, une rumination de la douleur, un inlassable retour vers elle. Ainsi, la deuxième partie du livre (qui en compte quatre) est entièrement consacrée à ce travail sur les souffrances psychologiques (inquiétudes, tristesses, ressentiments, et désespoirs).
Propos receuillis par Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

Aucun commentaire: