lundi 6 avril 2009

En dire trop ou pas assez?

Je suis un traitement médicamenteux assez lourd et qui m'épuise.
J'ai une expérience directe et personnelle de la souffrance qui, à l'écoute de mes clients, parfois me revient à l'esprit.
Ces choses affectent la façon dont je reçois ce que mes clients partagent avec moi.
Dois-je partager mon expérience passée et ma faiblesse présente ou les garder pour moi?
Puis-je aider mes clients ou au contraire gêner leurs progrès en leur parlant de moi?
La question n'est pas simple.
Dans How to fail as a therapist, 50 ways to lose or damage your patients - Comment échouer en thérapie, 50 manières de perdre vos patients ou de leur faire du mal - Bernard Schwartz et John Flowers l'abordent directement.
Erreur N°29 Comment poser des limites thérapeute-client inappropriées.
La psychanalyse rejette toute révélation sur soi de la part du thérapeute qui doit rester un écran blanc pour les projections du client. D'autres craignent que la révélation de leurs faiblesses et vulnérabilités n'affectent négativement la confiance du client : 'Si même le psy a du mal avec ça...'
En 2001 Barret et Berman ont publié une étude qui a fait date. Ils ont entrainé deux groupes de thérapeutes - un à faire des révélations personnelles congruentes avec ce que révélaient les clients, l'autre à ne rien révéler de personnel. Résultat : les clients avec qui les thérapeutes avaient partagé leurs expériences
propres souffraient moins de leur symptômes et appréciaient plus leurs thérapeutes.
Quand les thérapeutes font des révélations sur eux-mêmes, ils sont perçus comme étant plus amicaux, ouvert, chaleureux et aidant.
Mais attention! Cela n'est vrai que quand ses révélations sont limitées en nombre - et en longueur. Au cours de chaque consulation, les client faisaient envrion 60 révélations personnelles contre un peu plus de 6 pour les thérapeutes. Ces révélations étaient judicieusement choisies et significativement plus courtes que celles des clients.
Pour éviter l'erreur Schwartz et Flowers conseillent de:
  1. Garder les révélations du thérapeute brêves et en rapport avec ce que dit le client
  2. Faire des révélations dont l'intensité et le niveau d'intimité corresponde avec l'intensité et le niveau d'intimité exprimée par le client.
Je n'hésite donc pas à révéler ma faiblesse du moment, si je sens qu'elle impacte sur le travail en cours - par exemple ma capacité d'écoute - ou si elle peut faire voir à mon client que j'ai une expérience personnelle de ce qu'ils vivent. Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

1 commentaire:

GRUYER Annie a dit…

Cher Benjamin,

Très intéressante réflexion.

Pour ma part, je trouve l'écran blanc du psychanalyste plutôt noir et angoissant et surtout, j'ai cette impression très désagréable qu'il trône du haut de son pseudo savoir (car qui peut prétendre appréhender totalement la souffrance humaine ?)dans un silence assourdissant d'indifférence.
Du feedback dont je dispose grâce à la richesse des échances qui se déroulent lors des réunions à Médiagora Paris, je peux sans hésiter te rassurer quant au bienfait de la révélation (pondérée, pudique et à propos)du thérapeute.
Le "même si le psy a du mal avec çà" est assurément remplacé par "Ah ouais, il est HUMAIN, il peut donc me comprendre. Cà lui parle tout ce que je lui raconte et que personne jusque-là ne saisissait de ma souffrance. Ce qu'il m'a confié, m'a touché et m'encourage".
Le fait que le thérapeute nous donne un peu de sa propre vie ne peut que réhausser notre estime de soi. Nous nous sentons alors être considérés comme ce citoyen capable de redevenir acteur de sa vie et de sa santé, à qui "on cause normalement".

Je crois beaucoup plus à l'image rugbistique (ensemble dans la mêlée) de la psychothérapie qu'au jeu de fond de cours au tennis et ce fichu filet au milieu qui dit qu'on n'est pas du même monde.