samedi 14 mars 2009

Pour un Armistice dans la Guerre des Psys

A l’occasion d’une note de lecture de la traduction d’un ouvrage de Christopher Lane, Elisabeth Roudinesco dénonce dans Le Monde (lire ici) les classifications diagnostiques du DSM IV. Cet article a occasionné une réponse d'Antoine Pelissolo (lire ici), réponse à laquelle se sont associé deux associations de patients et plusieurs ‘grands noms' de la Thérapie Comportementale et Cognitive.
Notre proposition est de ne plus nourrir les polémiques partisanes. Cet article est une opportunité manquée car une discussion publique, critique et apaisée du DSM a toute sa place aujourd'hui. Nos catégories diagnostiques sont encore loin d’être des outils de la qualité des catégories diagnostiques des maladies somatiques. En médecine somatique, le diagnostic prescrit le traitement. En psychiatrie, c'est rarement le cas. En TCC, ce qui prescrit le traitement, ce n'est jamais le diagnostic, c’est l’analyse fonctionnelle - c'est à dire comment le problème du patient fonctionne pour lui (ou elle), dans sa réalité quotidienne. L'histoire, les conditions et la subjectivité propre de chaque individu sont pleinement prises en compte, ainsi que la réalité de la souffrance vécue.
Les catégories DSM actuelles représentent un progrès sur les anciennes et il serait vain de vouloir avancer vers le passé. Malgré leurs nombreuses limites, elles permettent - ainsi que le rapelle Antoine Pelissolo - de débattre à travers les frontières et les approches théoriques. De cela toute science a un besoin vital. Esperons que, malgré les difficultés, notre imparfaite science diagnostique continuera à avancer en direction de mieux coller au vécu de la souffrance et surtout de mieux identifier les conditions, moyens et rythmes de son dépassement. Nous pensons cependant qu’en l’absence de lien syndrome-traitement, l’inflation du nombre de catégories diagnostiques qui semble menacer la prochaine mise à jour du DSM (DSM V), n'est pas d'une évidente utilité. Une telle inflation pourrait en venir à détourner les cliniciens - et plus grave encore les apprentis thérapeutes - vers des arguties classificatoires sans conséquences sur les traitements, au risque de les déconnecter de la souffrance des patients.
Il existe des critiques constructives et progressistes du système du DSM. Parmi les plus intéressantes, Kelly Wilson, a proposé une telle critique depuis la perspective des TCC de troisième vague (en l'occurence Thérapie d’Acceptation et d’Engagement) et du comportementalisme profond. Kelly Wilson propose un système dimensionnel - plutôt que catégoriel - basé sur 6 grandes dimensions de l'expérience vécue, et qui peuvent occasionner tant la souffrance que permettre de la dépasser. (Téléchargez la présentation sur le DSM V de Kelly Wilson aux journées d’automne de l’Afforthecc d’Octobre 2008).
Notre espoir est de voir s'éteindre au plus tôt les polémiques violentes afin de créer un espace au sein duquel un débat fertile puisse s'établir. Cela existe dans toutes les communautés psychologiques scientifiques du monde et nous oeuvrerons à ce qu'une telle confraternité puisse s'établir en France. Notre souhait est que toutes les perspectives puissent se confronter en dépassant nos querelles de chapelles. Pour qu'enfin les ressources qu'il nous a fallu mobiliser dans la "guerre des psys" puissent être mises au service du progrès dans notre compréhension - et surtout nos méthodes de réduction - de la souffrance humaine.
Benjamin Schoendorff

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