dimanche 10 janvier 2010

Le risque de s'ouvrir

J'ai reçu vendredi une carte de vœux d'une amie dont je n'arrive pas à déchiffrer la signature.
Dans un message très touchant elle exprime combien elle a été dérangée par mon texte sur mes addictions. Elle a su identifier d'où venait sa gêne: sa croyance que se révéler aux autres c'est se mettre en danger, se rendre vulnérable à la vindicte publique. Une autre croyance très ancrée c'est que se révéler aux autres c'est se donner en spectacle. Ainsi des collègues proches et dont je voudrais pouvoir être aimé, semblent penser - un me l'a même écrit - que je n'ai pour but que mon auto-promotion...
Bien entendu cela m'a blessé profondément et je me suis senti rejeté et, un instant, j'ai voulu recourir à ma vieille addiction d'isolation.
Je n'ai pas su comment répondre jusqu'à ce que je lise dans Le développement de la personne de Carl Rogers le passage suivant:
“...une évaluation par autrui ne saurait me servir de guide. Les jugements des autres, bien que j’aie le devoir de les écouter et d’en tenir compte pour ce qu’ils sont, ne pourront jamais me servir de guides. C’est là une leçon que j’ai eu du mal à apprendre. [...] Plus tard j’ai été un peu secoué en apprenant qu’aux yeux des autres, je suis un imposteur, quelqu’un qui exerce la médecine sans être qualifié, l’inventeur d’un d’un genre de thérapie très superficielle et dangereuse, animé par une volonté de puissance, un mystique, etc. Je me suis senti également perturbé par des éloges tout aussi exagérés. Cependant je ne me suis pas trop laissé impressionner, parce que j’en suis venu à la conclusion qu’une seule personne (du moins de mon vivant et peut-être pour toujours) peut savoir si j’agis avec honnêteté, avec application, avec franchise et justesse, ou si ce que je fais est faux, défensif et futile, et que cette personne, c’est moi-même. Je suis heureux d’entendre exprimer des témoignages sur ce que je fais : critiques amicales ou hostiles, éloges sincères ou adulateurs, font partie de ces témoignages. Toutefois, je ne puis déléguer à personne le soin de les évaluer ou d’en mesurer la signification et l’utilité.“ (InterEditions 2005, p.20)
J'ai fait le choix conscient et délibéré de la voie du cœur ouvert et donc de prendre le risque de révéler mes vulnérabilités - car mon expérience me montre qu'en les accueillant, en les nommant et en les tenant par la main avec douceur et bienveillance, j'arrive enfin à avancer en direction de mes valeurs.
Et j'accepte que la seule personne qui puisse juger du bien fondé de ma démarche, c'est, dans un sens profond, moi.
Mon expérience me montre aussi combien cela est difficile car mon vœu le plus cher est d'être aimé par tout le monde et ma croyance est qu'en ouvrant mon cœur je le serai.
Or si ouvrir publiquement mon cœur me permet de mieux me connecter à - d'aimer et d'être aimé - de nombreuses personnes et ainsi de rompre mon isolation, cela semble avoir un effet repoussant (on dit aversif en comportementalisme) sur d'autres, qui pourtant me sont importantes.
C'est peut-être une question de dosage. Mais aussi peut-être aussi fonction du fait que la révélation profonde sur soi nous fait tellement peur, à nous tous qui prétendons à toute force ne pas avoir de profond problème ni souffrance - surtout nous les soignants. Une telle révélation semble nous menacer, même quand ce n'est pas nous qui nous révélons. Même si elle ne nous menace pas directement, une telle révélation peut nous sembler tellement impensable que notre tête va nous souffler qu'il doit y avoir anguille sous roche, qu'une telle approche ne peut être sincère et que donc les motivations profondes sont à mettre en cause.
Et si, l
oin de nous protéger de quoi que ce soit, toutes ces choses que nos têtes nous soufflent et que parfois nous laissons déterminer nos comportements relationnels, nous gardaient prisonniers et avaient fonction de perpétuer l'évitement expérientiel, ce grand mensonge qui veut nous faire croire qu'il est désirable, possible voire même impératif de contrôler ou à tout le moins cacher celles de nos expériences intérieures que nos têtes jugent inacceptables ?
Steve Hayes, fondateur de l'ACT nous rappelle que la pire des positions que l'on puisse adopter en tant que thérapeute - mais aussi en tant que parent, qu'ami ou que partenaire amoureux - est celle qui dit, implicitement ou explicitement : 'Cessez de ressentir ce que vous êtes en train de ressentir afin que je puisse cesser de ressentir ce que je ressens lorsque je vous vois ressentir ce que vous ressentez'.

Benjamin Schoendorff
(image Rémi Schoendorff)

15 commentaires:

Anonyme a dit…

Je crois que l'on ne peut éviter les jugements dès que l'on s'expose! Tous les jugements. C'est bien pour cela que les principes de la "mindfulness" (porter une attention douce, bienveillante et sans jugement) devraient guider nos pensées, nos émotions et nos actions à chaque instant de notre vie. Nous souffririons moins et ferions moins souffrir!

Rejean a dit…

J'AI ÉGALEMENT LA MÊME CROYANCE QU'EN M'OUVRANT AUX AUTRES, C'EST COMME LEURS DONNER DES MUNITIONS POUR ME JUGER, ME CRUCIFIER, ME RIDICULISER, ET ENCORE PIRE ME TRAITER COMME UNE PERSONNE AVEC DES PROBLÈMES MENTAUX! J'AI ENCORE DES REMORDS APRÈS M'ÊTRE OUVERT. ET LÀ J'AJOUTE QUE JE CHOISIS BIEN LES PERSONNES À QUI JE M'OUVRE!
RÉJ.

Anonyme a dit…

Je crois que s'ouvrir aux autres c'est forcément être jugé. ce n'est pas une croyance mais une réalité! En revanche, ce n'est pas parce qu'ils disent ou pensent du mal ou des choses qui font souffrir, qu'ils ont raison! En effet, un moyen de se protéger est de choisir ce que l'on dit et à qui on le dit. C'est un évitement... qui peut être utile! Tout dépend de ses valeurs!

Anonyme a dit…

"se révéler aux autres c'est se mettre en danger, ... se révéler aux autres c'est se donner en spectacle."

C'est bien 2 croyances puissantes !

Mais pour se révéler, faut-il être encore capable d'être honnête avec soi même...

Dans la plupart des entretiens d'embauche, on vous demande de citer vos défauts.

En général, on tente de mettre en avant des défauts qui n'en sont pas vraiment comme "être trop perfectionniste".

Personne ne va dire : je peux être colérique - envieux - prétentieux et méprisant.

Et c'est bien dommage, car l'on peut penser qu'une personne se présentant ainsi se connaît plus qu'une autre. Et se connaître c'est le début de la transformation.

C'est parce qu'on se connait qu'on peut aspirer à la sérénité à la compassion, à l'humilité, à la bienveillance, etc.

Petite histoire : un jour, un homme décide de suivre l'enseignement d'un saint soufi établi au Maroc.
Au bout d'une semaine de pratique, il retourne voir le saint et lui dit : Mais enfin je ne comprends pas, avant j'étais heureux, tout allait bien à mon travail, avec mon épouse, mes enfants et depuis que je suis votre enseignement, j'ai envie de tuer tout le monde ! Qu'est-ce qui a changé ? Et le saint lui répond : "rien n'a changé, avant vous étiez pareil mais vous ne le saviez pas"...

Anonyme a dit…

Cher Colonel,

Oui on peut être à la fois plein de compassion et se montrer méprisant ou prétentieux d'autres fois... Je crois que l'intérêt de mieux se connaître est de pouvoir choisir en toute conscience à chaque instant sa manière d'être! Car chacune de nos relations est importante mais on a toujours le choix de nos actions.

marie a dit…

vous avez raisons continuez , laissez dire les grincheux ce sont des jaloux , seule la sincérité amène la sérénité être en accord avec soit même c'est une grande qualité
vous apportez par votre sincérité le témoignage à ceux qui souffrent qu'ils sont aussi des êtres humains ...comme vous

merci

Anonyme a dit…

Ton témoignage me touche et accélère les battements de mon cœur : il est si bon de se sentir accompagné par des thérapeutes qui se relient à leurs clients par le cœur et la reconnaissance de leur propre vulnérabilité. C'est parce qu'il y a reconnaissance, compréhension, accueil, compassion qu'il peut y avoir guérison. Nous sommes comme des fleurs, des roses s'offrant, vulnérables aux regards, au soleil, à la pluie et au vent, peu importe les conditions de vie car nous sommes don...avec des épines pour protéger la vie, avec les couleurs, les parfums, le velours pour réjouir ceux qui en ont besoin. Le bonheur et la joie fleurissent et s'épanouissent quand nous vivons à partir de notre essence.

isalugo a dit…

Je découvre ce blog. Merci pour ce billet. Oui, s'exposer est dangereux. Mais je suis convaincu moi aussi que c'est la seule façon de se connaître et de connaître (un peu) l'autre. Par ses réactions. Acceptation par celui qui est dans la compassion et dans le partage. Rejet par celui qui a peur de l'effet "miroir", qui est dans le déni et le repli. S'exposer, c'est donner, et accepter de recevoir.

ciol a dit…

Je ne vois pas qu'il y ai CHOIX d'être méprisant ou prétentieux, et ne suis pas jaloux pour autant...Est-ce un CHOIX d'avoir à être outrageusement réactif envers autrui ? Le CHOIX de jouer le rôle de la haine de l'autre ??? Ou plutôt une impossibilité aveugle de voir ce qui est à partir de là ou l'on est parce l'on c'est projeté comme autre contre "l'autre" ?
Pouvez-vous expliquer ce que vous choisissez en disant cela ? Merci !

ciol a dit…

Lorsqu'en réaction je projette que "l'autre" est le méchant, c'est en réalité parce que je ne suis pas sincère; je ne veux pas VOIR d'où je parle, pour ne pas regarder en face que je suis alors autre, celui-là même le méchamment réactif qui pointe "l'autre" du doigt comme l'étant "lui". Si en plus j'utilise un tiers confortant tranquillement et doublement cette projection sur autrui, je suis alors doublement aveuglé par l'insincérité au regard ce que je suis.

ciol a dit…

Pourquoi ferais-je confiance à une réduction extrême de la conscience gonflée du maquillage qualifiant avantageux de "pleine", si elle est réduite à un objet manipulable comme un autre et qu'on prétend avoir comme si c'était une marchandise ?

ciol a dit…

Petit cours de magie blanche du verbe avoir
...
Tesquion : Pour dessiner une feuille blanche, que faut-il avoir ?
...
Péronse : On dessine avec du blanc, sur une page blanche, et le dessin disparaissant,
fait apparaître la feuille blanche !!!
...
Que nous appelions le texte d'ouverture d'un blog "un billet", est un exemple en rappel de la pièce qui se joue toujours pour dire qu'il n'y a jamais rien de gratuit dans la pensée, "l'article" déterminant l'objet de commerce...le mot.
Avons-NOUS -le choix- d'avoir à être avant tout des consommateurs de mots ?
Pouvons-NOUS ne pas prendre "le risque de souffrir" ?
Pouvons-NOUS ne pas prendre le risque de la bonne conscience bien pleine ?
Les milliards d'aucun choix !!!

ciol a dit…

" CESSEZ D'AVOIR A ETRE L'AUTRE AFIN QUE JE PUISSE CESSER D'AVOIR A ETRE AUTRE !!! "
...

ciol a dit…

"Toi sans moi ce n'est pas sauter dans le vide, c'est sauter dans le plein.
Toi sans moi ce n'est pas se déraciner, c'est découvrir l'enracinement total en chaque chose vivante. Ni peurs, ni menace, chaque chose vivante protège de ce moi illusoire qui intercale son angoisse, mais au fait...où est-il ? aurais-je l'audace de son absence ? Aujourd'hui j'en ai l'audace. Mais qui dit "je" ? Demain n'existe pas. Maintenant est le trésor, la liberté, le rire du tout en tout.
...
Le moi se perd et se transforme
au-delà de tous les noms, au-delà de tous les chemins, de tous les sommets et de toutes les montagnes. Ce moi tant décrié, c'était donc Toi. L'aimer c'était te reconnaître, le prendre en son cœur c'était éclore et t'accepter. Merci pour les yeux, la beauté, la vie.
Le moi, l'égo, la division c'est encore Toi dans la séparation de toi-même ou plutôt dans cette illusion de séparation. Rien à comprendre : se laisser agir à la racine.
...
En me jetant dans le plein, en remplaçant le mot vide par le mot plein et en vivant ce plongeon, la peur et l'anxiété disparaissent. Le mot "vide" était perçu comme une condition, un il faut, et une peur de la folie.
..."
Marianne Dubois

M@riel a dit…



"Change en toi ce que tu veux vivre dans le monde" disait Gandhi.

En virant de ma vie ma mère menteuse manipulatrice, de manière inconsciente cette partie agissante en moi (la mère intérieure négative) s'est rangée à sa place et n'agit plus.

Tout ce que nous manifestons en actes à l'extérieur se reproduit à l'intérieur.
Pour ma mère, des thérapeutes et des médiums m'avaient dit de communiquer mes désaccords avec elle, ou d'écrire une lettre d'adieu sans la lui adresser, celà ne marchait pas, j'en ai écrit des dizaines. Suite à une énième dispute avec elle, je lui ai écrit tout ce que j'avais sur le coeur et la lui ai envoyé, je lui ai écrit que je ne voulais plus la voir de toute ma vie. Elle l'a très mal pris et lue à toute la famille, de ce fait j'ai la famille sur le dos (comme d'habitude).Elle tente encore de reprendre contact avec moi via ma fille ou par mail. Elle n'a pas compris, mon père non plus qui la soutient par lâcheté.
Du coup j'ai coupé les ponts avec toute ma famille.

En coupant les ponts avec elle, je me suis libérée d'un immense poids psychique qui me rongeait de l'intérieur. Depuis, beaucoup de choses ont changé. Je me sens plus légère, plus ouverte à l'humour, à la joie, et moins centrée sur ce que les gens pensent et disent de moi, ça coule sur moi, je ne me sens plus atteinte.Je suis bien, je dors bien mieux.

Je mets beaucoup de temps à couper court les relations que j'ai avec les gens toxiques, une fois que je le fais c'est définitif et je ne reviens jamais en arrière, même si c'est quelqu'un que j'aime. Si jusqu'ici je n'avais pas fait celà, c'était dû aux croyances qu'il faut "honorer" son parent même si maltraitant.

J'avais été suivie par une asso contre les violences intra-familiales, qui m'avait demandé de supprimer tous les mails et numéros de tél de mon ex, je ne le vois plus, il ne m'atteint plus. Les gens odieux maltraitants et manipulateurs ne s'arrêtent jamais. Les fuir et couper la relation est la seule solution, maintenant je le sais.